Vous êtes sur la ligne droite principale de votre circuit préféré, le compteur de vitesse indique bien plus de 250 kilomètres-heure. Vous êtes recroquevillé sous la bulle de votre moto, mais pendant quelques instants, vous pouvez reprendre votre souffle et détendre vos muscles. Pour ainsi dire, bien sûr. Dans tous les cas, l'aérodynamisme parfait du carénage et l’intégration du casque et de la combinaison vous permettent de ne pas avoir à vous battre pour garder votre tête et votre corps en position. Mais en a-t-il toujours été ainsi ?
Jusqu'à la fin des années 80, c'était tout une autre histoire. L’étude aérodynamique des motos de course et de sport était encore si élémentaire qu’elle en était quasi préhistorique, alors que les fabricants de vêtements et de protections n’avaient même pas commencé à s’y intéresser. Garder son corps dans la bonne position sur les lignes droites n’était pas si simple. La tête en particulier, avait tendance à se déplacer vers la gauche et la droite, nécessitant un grand effort des muscles du cou pour rester droite.
C’est ainsi que la bosse est arrivée à l’arrière des combinaisons de pilotes Dainese en 1988. Mais malgré ce que vous pourriez penser, elle n’a pas été introduite pour l’aérodynamisme. C’est la sécurité qui en est l’origine, car elle était constituée de caoutchouc et de mousse.
La recherche de la meilleure protection dorsale était toujours en cours à la fin des années 80. La protection dorsale était arrivée sur les circuits une décennie auparavant, premier véritable équipement de protection individuelle pour la moto, une grande révolution. Mais elle ne pouvait et ne peut pas s’étendre jusqu’aux dernières vertèbres thoraciques, car elle pourrait endommager les vertèbres cervicales face à certaines flexions du cou. Comment faire alors ? La solution de Dainese pour résoudre ce problème a été l’intégration d’une bosse en matériau souple pour protéger les parties du corps qu’une protection dorsale ne peut atteindre.
Fabriquée en caoutchouc haute densité, la bosse aérodynamique a permis une excellente absorption des chocs et a été façonnée de manière à ne pas interférer avec les mouvements du pilote, pour assurer un maximum de liberté et de confort.
Le pilote professionnel né à Bologne, Pierfrancesco Chili, a été le premier à courir avec. Cette année-là, en 1988, il fait régulièrement des apparitions dans le top 10 de la catégorie 500cc. Ce n’est que quelques années plus tard que le véritable potentiel de cette nouvelle protection est pleinement apprécié. Il a fallu que ce soit Jean Philippe Ruggia, qui avait déjà marqué l’histoire comme le premier pilote professionnel à poser le coude au sol, qui révèle le secret que la bosse avait en réserve.
Après avoir essayé sa nouvelle combinaison équipée d’une bosse dorsale, le pilote français a remarqué que sa tête était beaucoup plus stable à haute vitesse, lorsqu’il était en position pour fendre l’air, caché derrière sa bulle. Ne pas avoir à corriger en continu le mouvement de la tête se traduit automatiquement par une plus grande concentration et une meilleure économie d’énergie. Une énorme amélioration de la fatigue cervico-musculaire était remarquée à la fin de chaque session, avec des avantages en termes de performances et de sécurité.
À partir de ce moment, les bosses ont été étudiées sous deux angles distincts, les performances aérodynamiques et protectrices, devenant des dispositifs à double usage. Les recherches en soufflerie l'ont amenée à changer de forme au milieu des années 90. La nouvelle bosse était plus longue et effilée, pour une meilleure connexion entre la bulle, le casque et le dos du pilote.
Les bosses ont pris un rôle encore plus important avec l’arrivée du nouveau millénaire. Avec les tests sur le nouveau-né Dainese D-air®, la bosse a immédiatement été pensée comme un conteneur pour l'unité de contrôle et les capteurs du système d'airbag. C’est donc devenu un contenant bourré de technologie et se découvrant une énième utilité.
Certaines combinaisons, qui se sont arrêtées au stade du prototype, ont utilisé ce volume à l’arrière pour contenir les capteurs du système Pro Com, une combinaison intérieure sophistiquée avec de nombreux capteurs pour surveiller les signes vitaux du pilote. Une combinaison avec système de refroidissement intégré est également apparue, s’arrêtant à nouveau au stade du prototype. Elle comportait un véritable radiateur sur la bosse, qui servait d’échangeur thermique pour disperser l’excès de chaleur lors des courses les plus chaudes.
Après le D-air®, le Pro Com et le radiateur sans précédent, la bosse a été exploitée pour abriter une poche à eau. Celle-ci est toujours utilisée par les pilotes, et peut être connectée au casque grâce à son système d’hydratation intégré, permettant ainsi de boire directement sur la piste. C’est un détail très apprécié, qui est très utilisé sur les Grands Prix dans les pays chauds, comme en Malaisie.
Le dernier développement date de 2016 : en plus de l’unité de contrôle de l’airbag D-air® et du système d’hydratation, la bosse de la nouvelle combinaison Mugello R intègre une LED qui s’allume en cas de chute pour rendre le pilote plus visible à ceux qui arrivent derrière, indispensable en cas de mauvaise visibilité.
En plus de trois décennies, les vêtements et protections ont subi un développement exponentiel. La bosse ne fait pas exception. D’un simple morceau de mousse, elle est devenue le foyer d’une technologie extrêmement avancée et de solutions vitales pour une utilisation sur piste, à destination des pilotes professionnels et comme des amateurs.