Depuis 2001 pilote d'essai pour la revue Motociclismo, j'ai essayé de tout dans ma vie, du MotoGP™ au speedway. Ce qui est bien, c'est que j'aime les deux-roues sous toutes leurs formes. En tant que photographe et vidéaste, j'ai couvert plusieurs éditions du rallye de Croatie et participé en tant que pilote à quelques rallyes, ainsi qu'au Pikes Peak en 2008, quand il y avait encore de la terre battue en plus de l'asphalte. Lorsque mon travail de photographe et de journaliste me laisse un peu de temps libre, je prends l'enduro, mono ou bicylindre, et je pars en forêt, en attendant de retrouver les dunes du Sahara, l'endroit que j'aime par-dessus tout.
Seule la passion des motos et des montagnes peut conduire à effectuer un tel voyage. Parce que l’Everest n’est pas une destination, c’est LA destination. Nous nous envolons vers l’Himalaya à la fin du mois de décembre pour entreprendre un voyage unique depuis Lhassa, la principale ville de la région du Tibet, en Chine, jusqu’au camp de base de l’Everest. Il faut un brin de folie, c’est certain.
Mais pourquoi à la fin du mois de décembre ? Pas parce que nous aimons voyager par des températures rédhibitoires, pas vraiment. Nous avons décidé d’y aller en hiver car il y a beaucoup plus de chances de réussir à apercevoir le sommet. La saison chaude, entre juin et septembre, correspond à la saison des moussons. Les nuages et la neige en altitude maintiennent la pyramide sommitale constamment masquée, et le ciel est rarement dégagé autour de son sommet s’élevant à 8 848 m d’altitude.
Le voyage comprend des étapes quotidiennes d’environ 300/400 km, avec des sections tout-terrain également et des températures allant de zéro à -20 °C. Nous logeons dans des établissements fermés depuis des mois, car nous sommes hors saison pour les touristes et les alpinistes, qui visitent habituellement la région au printemps : cela signifie qu’ils sont littéralement gelés.
S’habiller correctement n’est pas seulement conseillé, c’est impératif. Il existe deux niveaux de choix de vêtements : on peut soit bien se couvrir, dans le but de résister et de ne pas mourir de froid, soit aller plus loin en s’équipant de tout ce qui peut nous offrir le confort thermique même dans des conditions aussi extrêmes. La différence, c’est que si l’on peut voyager correctement même par -20 °C, on peut conduire et profiter des routes et des paysages sans penser au fait qu’il fait froid. Parce que... oui, il fait froid. On adopte donc un ensemble touring hivernal en Gore-Tex, pour une isolation maximale de l’environnement extérieur et des éventuelles intempéries, un rembourrage en duvet d’oie, le meilleur pour affronter le vrai froid, puis des couches techniques pour tenter d’obtenir un confort optimal même dans des conditions rédhibitoires.
Lorsqu’on y est, en sécurité dans son propre microclimat, on découvre que le Tibet est merveilleux même en hiver, avec ses vallées, ses gorges étroites creusées par d’anciennes rivières, ses lacs de montagne d’un bleu rare, ses montagnes apparentes qui sont plus belles et imposantes que jamais. On voyage constamment en altitude, vérifiant plusieurs fois par jour la teneur en oxygène de son sang à l’aide de l’appareil placé sur son index, car on part de 3 650 m à Lhassa et ne descend plus en dessous de 4 000 m pendant des jours, avec de nombreux cols à plus de 5 000 m. La montée en moto ne donne pas le temps de s’acclimater progressivement, il vaut donc mieux garder tous ces paramètres sous contrôle à tout moment.
La destination est le camp de base nord, au pied du glacier Rongbuk, que l’on ne peut atteindre avec son propre moyen de transport : depuis environ un an, le gouvernement chinois impose en effet aux véhicules motorisés de s’arrêter 25 km plus bas, puis de poursuivre avec des bus électriques. Ils nettoient également les tonnes de déchets abandonnés au camp par les expéditions commerciales visant le sommet : ils ont donc décidé de le préserver, car il attire beaucoup de touristes, mais c’est avant tout un patrimoine naturel. Et nous l’aimons ainsi, on descend du bus devant le monastère bouddhiste de Rongbuk et on parcourt le dernier kilomètre à pied.
L’Everest est devant nous, imposant, mais on ne voit pas une montagne de plus de huit mille mètres devant soi, car on est déjà à 5 350 m et la montagne s’élève encore de 3 500 m environ. On ne respire plus, le vent souffle très fort, le froid déchire les lèvres. Un sourire et les voilà fendues à l’instant. Mais nos corps sont à l’abri, nous résistons et restons donc là une demi-heure, certains admirent la montagne, d’autres méditent, d’autres prient, d’autres encore pleurent. Des larmes libératrices.
Rien ne peut vous préparer à ce qui vous attend, pas même ces quelques lignes de conseils, car le froid, le vrai froid, celui qui vous envahit et ne vous quitte plus, sera de toute façon implacable. Mais si vous êtes prêt à souffrir, alors le camp de base de l’Everest en plein hiver est le voyage extrême qu’il vous faut.
Que faut-il emporter ? Pour les vêtements de moto, j’avais l’ensemble Antartica et j’ai probablement survécu grâce aux couches thermiques de la veste et du pantalon vraiment exceptionnels. Mais il m’est arrivé d’ajouter une doudoune supplémentaire sous la veste. Quoi d’autre ? Un sac de couchage d’hiver, parce qu’il n’y a pas toujours de chauffage la nuit et qu’on peut dormir avec mille couvertures en laine, mais toujours par des températures négatives, une lampe frontale, des sous-gants en soie pour quand on enlève ses gants de moto et qu’on ne peut pas résister sans rien sur les mains, puis des gants en latex qui apportent encore une isolation supplémentaire. La cagoule avec un bon protège-cou rembourré intégré est une excellente idée. Lorsque l’on voyage par des températures très basses pendant plusieurs heures par jour, il est utile de pouvoir s’habiller et se déshabiller en fonction de la température, qui baisse considérablement lorsque le soleil commence à se coucher le soir.
Alors habillez-vous en couches, mais en faisant attention : il est conseillé d’utiliser une veste d’une taille supérieure, pour avoir assez d’espace pour les couches internes sans trop comprimer toutes les couches. Ce sont précisément les petits interstices d’air entre les différentes couches qui créent la meilleure isolation. Les mêmes couches avec une taille en moins font ressentir beaucoup plus le froid. Même chose pour les bottes. Il convient de les choisir un peu grandes, une taille de plus que la taille habituelle au maximum, les chaussettes d’hiver ayant une certaine épaisseur et une double paire pouvant s’avérer nécessaire.
Bien sûr, cela affecte un peu les sensations de conduite, mais vous n’êtes pas sur une moto de MotoGP™, vous devez vous couvrir pour éviter de mourir de froid, donc une botte un peu grande vous permettant de bouger les orteils et ne vous serrant pas trop les pieds est parfaite. Il n’y a pas de problème de glace sur les routes, tant qu’il ne neige pas, car le taux d’humidité est très faible, le climat est sec, il est donc facile de conduire. Nous avions des pneus Metzeler Karoo Street et, pour rouler par ces températures, ils se sont révélés excellents, offrant une confiance et une adhérence inattendue. Il y a peu ou pas de sections tout-terrain, mais même ici, si vous voulez faire des détours hors route, un pneu comme celui-ci vous permettra de rouler sans problème.