Le long des routes accidentées et des cols enneigés entre les Pyrénées et les Alpes, jusqu’aux falaises à couper le souffle de l’océan Atlantique
Passionné de moto, de voyages et de rencontres en France et autour du Monde, j'ai un jour trouvé trouvé l'alchimie pour marrier à la perfection ces trois éléments: raconter des histoires. Que ce soit par écrit en publiant des livres, en écrivant sur Facebook/Instagram ou en réalisant des vidéos sur You Tube, je suis avant-tout un conteur d'histoires.
En plein milieu de mon « Contour de France » et non du « Tour de France » comme celui que l’on fait à vélo. Voici justement le contour. Mon objectif cette fois-ci était de conduire ma Honda NT1100 autour du pays, en essayant de prendre toutes les routes, même les plus étroites et tortueuses, qui suivent la frontière le plus fidèlement possible. Une sottise, vous me direz. Et pourtant pas vraiment, car si la France compte un peu plus de 6 000 km de frontières, l’itinéraire que j’ai tracé en fait plus de 8 000 ! Comment est-ce possible ? Facile, souvent il n’y a pas de route le long de la frontière, il faut donc inventer et improviser, entre les impasses, les chemins de terre qui deviennent des chemins enduro et j’en passe.J’ai quitté Paris pour La Rochelle, sur l’Atlantique. De là, j’ai continué vers le sud, autour de l’estuaire de la Gironde, puis vers le Pays basque, la frontière espagnole et les Pyrénées. Vous pouvez trouver la première partie de mon voyage ici : Voyage à travers la France avec Lolo Cochet, partie 1 : de Paris aux Pyrénées
À Aldudes, on attaqué la montagne pour de vrai et c'est là que les choses se sont compliquées. À un embranchement, deux types étaient en train de dégager à la tronçonneuse, deux arbres fraîchement tombés en travers de la route. A droite, un panneau "route barrée" mais l'un des types m'affirme que ça passe. "La route s'est juste un peu éboulée ..." Le genre de truc qu'il ne faut surtout pas me dire. Bon, en même temps, c'était pas non plus la grosse aventure. C'est vrai que par deux endroits, on aurait dit qu'un ogre avait croqué dans le bitume. Certes, ça ne passait pas en voiture mais en serrant bien le long de la paroi rocheuse, avec la NT1100, c'était sans problème. J'me suis dit cool ... jusqu'à ce immense éboulis.
Bon là, c'était franchement la montagne qui était tombée sur la route. Un petit quelque chose des "Routes de l'impossible" quoi. Avec Marie, on est allés reconnaître à pied. C'était pas l'autoroute ni super raisonnable mais il existait une mince trace au milieu de cet effondrement sans doute créée par des motos d'enduro. J'ai tenté ma chance mais à la seule condition d'être sûr de pouvoir repasser l'obstacle en sens inverse. Bah oui, imagine que je tombe sur pire après ...
J'ai viré le traction Control, passé la première et engagé la NT 1100 qui a été de très bonne volonté! Seul hic, en sortie de cet obstacle, la trace m'emmenait dans le fossé et il n'a pas été simple d'en sortir! Yes, c'est fait. Juste après Esterençuby, on a collé au millimètre près à la frontière sur une route barrée parce qu'enneigée. Au tableau de bord, la température s'est mise à chuter jusqu'à deux degrés en il s'est mis à neiger... au point que le route était désormais recouverte de jolies langues blanches. Gentiment, délicatement, on a rejoint une bifurcation. À gauche, c'était l'option redescente sur Iraty. À droite, c'était continuer l'ascension! N'étant pas que con, j'ai bien compris qu'on était aux limites de cette aventure. On a donc plongé sur Iraty. La neige qui tombait sur nos écrans s'est à nouveau transformée en eau!
La suite fut identique. Col du Pourtalet: fermé ! On est donc restés dans la vallée en sortant au maximum des grands axes. Et ce n'est guère qu'un peu avant l'Andorre qu'on a enfin pu tenter de "tutoyer à nouveau les sommets" sans se faire bloquer par la neige ! Je te conseille à ce sujet le joli col de Latrape.
Collioure, 956 kilomètres plus tard! Marie a apprécié l'assise et le confort de la NT1100 dont j'ai un tout petit assoupli la suspension arrière. La moto est certes plus souple mais reste tout aussi rigoureuse en se montrant encore plus confort sur les gros chocs. A deux, le moteur issu de l'africa Twin abat d'ailleurs un sacré boulot, répondant toujours présent pour le moindre dépassement. Franchement, la NT reste tout aussi agile, docile et facile à deux que seul. Pour me faire pardonner de ce traitement de choc, on s'est fait un bon resto de poisson à Collioure.
Je sais que vous pensez, que je n'ai que ce que je mérite. Que c'était évident que plusieurs cols n'allaient pas passer. Et on est bien d'accord. Mais, en juillet/août, j'ai pas que ça à foutre moi 😉 j'ai encore d'autres projets. Et puis, peut-être même que ma belle trace du contour de France, je te la déposerai sur mon site Kap2Cap. Comme ça cet été, vous pourrez l'emprunter et me raconter à ton tour, comment c'était !
Bon, je me suis fait plutôt discret ces derniers jours. Faut dire qu'après les Pyrénées, longer la côte méditerranéenne... voilà quoi. Oui, il existe de belles réserves ornithologiques après Narbonne. Oui, les chalets de Gruissan Plage c'est une curiosité à voir. Oui, la Camargue est belle, le petit bac Sauvage aussi (pas commode le pilote du bac, voire même un peu … rude). Oui les villas uniques qui surplombent Saint Jean Cap Ferrat et Beaulieu sur Mer sont des paradis dominants … mais ho les gars : la Grande Motte, Agde, Valras, on va quand même pas…j'ai envie de me fâcher avec personne alors joker. À Menton, j'ai entamé LA remontée. Celle qui allait me mener jusqu’à Lille, non sans avoir tutoyé les Alpes, le Jura, les Vosges. Ça allait être splendide … à condition que les cols soient ouverts.
J’avoue, j’ai un peu changé de méthode. Plutôt que de me laisser guider par ma trace réalisée un soir tard, j’ai acheté une très belle carte papier au 1 :220 000. Celle qui te conte les cols alpins. Celle que vous sortez le soir dans ta piaule d’hôtel et que vous dominez, debout. Pile à sa verticale comme si t’étais en hélico. Pour avoir une vraie vue sur la situation et mieux comprendre. Puis, j’ai ouvert une page internet (oui la modernité peut côtoyer cette bonne vieille carte) et j’ai fait le point sur les cols ouverts. Castillon, Turini, Col de Saint Martin, la Couillole : ouverts !
C’est toujours ça de pris pour coller à la frontière italienne. Ouais mais bon. Certaines infos font état d’une possible et imminente ouverture de la Bonette. 2.715 mètres, plus haute route d’Europe. Ça se tente non ? Depuis le début, je suis là à tourner, contourner, faire demi-tour, interpréter, refaire ma route. Ça serait bien si ça jouait un peu quand même ? Et si ça joue pas… bah je suis bon pour un détour de 3 heures. A Saint Etienne de Tinée, je fais le plein, d’essence, d’eau et je m’autorise l’achat d’un sandwich glissé dans la valise gauche. On sait jamais. En bas, la route de la Bonette est belle et bien indiquée fermée.
Fermé, fermé, fermé, ça reste un adjectif. Ça veut tout et rien dire. Je peux au moins pousser la curiosité jusqu’au dernier village avant La Bonette : Bousiéyas. J’ai bien fait car jusque là, ça passe. Ça fait bizarre de voir ce petit village d’habitude si animé, ainsi désert. Au dessus de Bousiéyas, d’autres panneaux indiquent clairement la fermeture. Deux cyclistes montent. Pour le fun ? Jusqu’à la neige ? J’en sais rien. J’entame la montée, moi aussi. La boule au ventre de … devoir faire demi tour mais … sans regret, devant ce spectacle unique. Les Alpes du Sud ont cruellement manqué de neige, les pâturages refont surface. Les marmottes semblent saluer (ou huer) mon arrivée. J’en filme deux qui semblent s’engager dans un combat de MMA avant de disparaître dans le même terrier.
Si vous connaissez le col de La Bonette, je pousse le vice jusqu’aux anciens casernements militaires qui ont protégé l’accès aux vallées alpines françaises jusqu’en 1944. L’endroit est toujours assez saisissant. Petite pause sandwich. Je me dis que c’est curieux cette route dégagée. Pas un chat, tout au plus des marmottes. En poussant un tout petit kilomètre plus loin, je découvre ce que j’aurais du voir depuis au moins une demie heure, pendant que je bouffais mon sandwich. Une immense barrière en bois. Verrouillée par un cadenas et débordant généreusement des deux côtés.
A gauche, le précipice, impossible de passer sans faire verser la moto. A droite, un immense tas de cailloux à flanc de montagne. Je sais, c’est pas bien ce que je m’apprête à faire. A ce moment-là, un type arrive et me glisse un : « vous comptiez passer ? » « Oui enfin, peut-être que oui, que non, que pas vraiment. » J’en sais plus rien moi avec tous ces demi tours et ces tentations incessantes mais infranchissables. Faut me comprendre : la plus haute route d’Europe, être le premier à passer. Le type me dit que c’est « con d’être là aujourd’hui ». J’ose pas le contredire même je trouve ça un peu vif comme approche. Il poursuit, non pas pour m’enfoncer devant la connerie que je m’appète à faire mais pour m’expliquer que « c’est con d’être bloqué là parce que demain, ça va ouvrir. Y’a monsieur Estrosi qui va venir faire un coup de com pour dire que c’est beau notre région. Ils vont ouvrir pour lui ! »
Quoi, Christian Estrosi ? Maire de Nice ? Ancien pilote de Grands Prix qui s’est illustré au Bol d’Or, sur le Moto Journal 200, en Grand Prix et aussi sur la Pernod ? Là, j’me suis dit : « des podiums, Estrosi, il en a déjà fait. Là, c’est mon tour. » Et puis, j’allais pas me laisser griller la politesse par un cortège de limousines intérieur cuir. Si ça passe en berline officielle, ça passe à moto. Je défais les deux valises de la NT 1100 pour gagner en largeur. Je gratte la montagne, dégage, les plus grosses pierres, aménage une sorte de rampe assez douce. De l’autre côté, faudra plonger dans une ravine pleine de neige. Je désactive le traction control et m’engage dans ce trou de souris. L’arrière patine un peu, la NT 1100 ne se fait néanmoins pas prier pour braver l’interdit.
Je raccroche les valises et m’engage sur cette route déserte, unique. Je guette la présence de neige, de verglas, slalome entre les pierres. Je profite de ce moment unique pour monter en douceur, m’imprégner de cette solitude et de cette immensité. Arrivé en haut, la boucle qui fait le tour de La Bonette est toujours enneigée. En revanche, le petit passage de Restefonds qui permet de basculer de l’autre côté est bien dégagé. Je bascule pour quelques moments de bonheur supplémentaire jusqu’à … cet immense mur de neige. Une impressionnante congère qui stoppe ma course et empêche l’accès (dans mon cas la descente) du col vers Jausiers et Barcelonnette.
Demi-tour ? Non, non, non. Certainement pas cette fois. La congère est épaisse, énorme. Je sors la pelle de mon top case et attaque l’immense meringue. J’suis pas venu jusque là pour faire demi-tour. Et puis, quitte à être le premier à passer, autant creuser le dernier couloir. Une heure plus tard, c’est fait. Pour ne pas trop jouer au con (c’est trop tard, vous me direz), je cloute très légèrement le pneu arrière avec des mini clous Best Grip adaptés à des pneus de VTT. Une pénétration de seulement 6 mm dans le pneu qui permet d’équiper un pneu routier (un pneu enduro supporte de clous bien plus grands plantés dans les crampons. Contact, première et gaz. Ça patine mais ça passe. Ha non, les valises sont en appui de chaque côté. J’élargis encore un peu le passage et libère la NT 1100.
Et là ? Bah, vous croyez quoi ? Je vais pas me barrer comme ça de l’Annapurna en ayant juste planté mon drapeau et en abandonnant mes poubelles. Non, j’ai repris ma pelle pour reboucher consciencieusement le joli couloir creusé dans la congère. Histoire que personne ne s’engouffre dans le trou béant de ma connerie. La Bonette, c’est fait. Je t’avais dit que je serai au plus près de la frontière pour mon contour de France. Je me laisse glisser jusqu’à Barcelonnette. Bon, je vais pas tous te les attaquer nopn plus à la pelle et à la pioche non plus hein … la Madeleine, le Glandon, l’Izoar … Mais cette petite « victoire » me fait du bien. Deux jours plus tard, la Bonette était toujours fermée et Estrosi pas venu. Ce que je quand même être con et basique parfois .
J'ai été happé par un trou noir ! C'est pourtant pas difficile à comprendre. Un trou noir, vous savez, cet objet céleste si compact que l'intensité de son champ gravitationnel empêche toute forme de matière ou de rayonnement de s'en échapper ! De fait, un trou noir ne peut ni émettre ni diffuser de la lumière et est donc ... noir ! Un trou noir quoi.
Ça m'est arrivé à la sortie des Alpes. Je venais de prendre ce qu'il y avait à prendre dans mon contour de France. Le col de Vars (avec en son sommet son cosy refuge Napoleon), le Lautaret, Fresnes, Leschaux puis les Gets.
J'ai contourné le lac d'Annecy pour plonger dans le Doubs ! Là, vous vous dites: forcément avec Mouthe, commune la plus froide de France, c'est à cet endroit que ça lui est arrivé son histoire de trou noir. Même pas. Il faisait exceptionnellement beau, voire même chaud. Avec la Honda NT 1100, on a traversé Morteau pour longer les méandres du Doubs et ses navettes fluviales colorées qui te mènent jusqu'au fameux saut du Doubs.
Avec la NT, on y est plutôt allés par la route des combes qui surplombe l'impressionnant canyon aux airs de Canada ! Le saut du Doubs est une véritable curiosité. Un truc qui s'est formé il y a 12.000 ans suite à l'éboulement de deux vallées, créant une chute de 27 mètres de haut. Ça c'est pour les géologues. Pour les poètes, c'est surtout l'occasion de faire dans sa jupe, en le franchissant en kayak en période de crue. Avec la NT, on s'est pas trop approché, on sait jamais ...
Juste après on a visé Charquemont, Maiche, Saint Hippolyte, Audincourt par de petites routes toutes en virages et relief ! Félicitations les gars et les filles, vous avez une magnifique région ! Là, je me suis dit: chic on va attaquer les Vosges mais ... j'aurais pas du m'asseoir à côté du radiateur à l'école. Car le massif des Vosges s'arrête un peu avant la frontière allemande. Pile avant mon tracé quoi. J'ai pas eu d'autre choix que de tomber dans le trou noir.
Une succession d'interminables lignes droites le long du Rhin. Heureusement qu'on est en période d'élections sinon je crois que j'y aurais perdu mon permis. Des parkings remplis de bagnolles neuves prêtes à être livrées (pourtant il paraît qu'il y a pénurie de semi conducteurs) et garées sous des abris constitués par des panneaux photovoltaïques! Des quais de chargement, des usines qui puent. Bon, on peut pas lui en vouloir au Rhin, il abat un boulot phénoménal, fournissant de l'eau à 30 millions de personnes et charriant plus de 180 millions de tonnes de marchandises.
N'empêche qu'on s'est ... fait chier avec la NT1100. Faut pas m'en vouloir, me pardonner d'avance mon langage mais je sais pas vraiment comment te le dire autrement. C'est pas que toute la région soit moche, c'est juste que mon tracé est nul et non avenu. De ce côté là de la France, faut pas longer les frontières ! Avec cette idée de contour de France, je fais de belles découvertes et ... de moins bonnes ! Le problème, c'est qu'un trou noir, c'est grand, immense. Je pense même qu'on n'en connaît pas la profondeur. Et que, comme aucune matière ne peut en dévier, avec la NT, on en était prisonniers. J'ai du continuer à longer les frontières du nord ...
Même constat, c'était comment dire: pas folichon, folichon. Un instant pourtant, j'ai cru échapper au trou noir en effleurant les Ardennes. Y'a quelques longues lignes droites entre les conifères mais c'est déjà plus varié. J'ai même vu des panneaux indiquant Gedinne, Chimay! Chic on va boire un coup. Mais non. Pour moi, Chimay et Gedinne sont juste les noms mythiques de la Road Race Belge. Mais rien n'y faisait, on n'y est pas allés. Mon gps voulait absolument rester dans le trou noir ... du coup on a poursuivi le long de la frontière. C'est là que je me suis dit "non, non, non, non, non" et je suis allé faire un tour à Maubeuge. Rempli d'espoir d'y trouver un clair de lune, tout au plus une éclaircie dans ce Road Trip. Mais c'était visiblement et vraiment pas mon jour. Lundi de Pâques, la mythique Maubeuge était déserte comme un jour de lockdown.
Retour sur la ligne Maginot, ses fortifications dans les champs, son univers de brique. Les murs sont en brique, les maisons sont en brique, les chapelles sont en brique. Y a que le pognon qui ne semble pas être en brique (et je le dis en toute affection).Oui, je te le dis tout net, j'ai pris un gros coup au moral. Vous allez sans doute me défoncer dans les commentaires. Déjà que je me suis fait tomber sur le paletot pour avoir osé évoquer le fait que La Bonette soit la plus haute route d'Europe (j'ai jamais dit le col et de toute façon, c'est écrit sur les panneaux en bas du col) alors là ...
Pourtant, y'a un truc que vous savez! Dans le Nord, les gens ont chaud au cœur. Partout, dans la campagne, ça sentait bon (cette fois-ci), le lundi de Pâques. Partout, des brocantes, des vide greniers, des picnics, les gens prenaient le temps de vivre. C'est sans doute moi qui suis con à abattre toutes ces bornes.
C'est ainsi que, sans m'en apercevoir, comme j'y étais entré, je suis sorti ... du trou noir ! Bray Dunes. Tout en haut, au nord, pile à la frontière belge. Commune la plus septentrionale de France. Beaucoup moins connue que le Cap Nord (lui aussi point septentrional mais d'Europe) Bray Dunes vaut pourtant le détour. Pour son charme suranné. Sa rue principale, ses friteries, ses marchands de glaces, de ballons, de raquettes, de maillots de bain. C'est comme à la plage mais avec un pull et un bonnet. Détendez-vous, je déconne (quoi que ...). Allez boujou, c'est parti pour le dernier quart de mon contour de France: Normandie, Bretagne.
Vous me faites marrer les Bretons. Vous revendiquez votre différence, votre authenticité mais en même temps, on perçoit que vous avez besoin de reconnaissance, d'être aimés. Ça se sent. De convaincre, de persuader que votre région est la plus belle. Note bien qu’il n’y rien de mal à ça, sauf que chez vous, tout est en carton-pâte, un décor en papier mâché. Et il y a bien longtemps que je me suis fait cet avis !
Bon avant de débarquer chez moi avec ton bonnet rouge et de tout ravager, laisse-moi quand même t’expliquer pourquoi. Moi, pour la Bretagne, je m'étais basé sur un vieux souvenir. Mais alors très très vieux. 1998, la route nouvelle Aprilia RSV Mille (le bicylindre Rotax, bien avant le V4) venait de sortir. J'avais été chargé d'en réaliser le comparatif face à une Ducati 996 et une Suzuki TL 1000 R.
A l'époque, j’étais jeune, beau, plein d’innocence et je ne comprenais pas bien pourquoi les essayeurs ne prenaient jamais la direction de la Bretagne pour faire leurs essais. J'ai fait malin... en plein mois de décembre. Des routes ultra verglacées, rectilignes, un temps pourri dégueulasse nous auront finalement contraints à faire demi-tour.
Je me souviens bien de la photo de couverture du journal, avec trois cons, de face, nez dans la bulle avec les combinaisons grands froid qui débordent de partout ! Je n’aimerais pas relire le comparatif, quant à l'éminent avis que j’avais pu (du ?) émettre sur les qualités dynamiques de ces motos. Les journalistes sont parfois de grands prestidigitateurs !
Du coup: je m’étais dit, la Bretagne, moi : PLUS JAMAIS. Et le fait est que je n’y ai plus jamais foutu les pieds, ou tout du moins les roues. Quitte à vivre dangereusement, j’ai encore préféré monter plusieurs fois au Cap Nord, par – 30 degrés avec des pneus cloutés. Au moins, le deal est clair !
Mais bon, là, avec mon contour de France, j'entrais bien obligé. D’aller en Bretagne. En même temps, ces perspectives de cataclysme absolu m'arrangeaient un peu. J'allais te plier ça en un jour: pas de photo, pas de vidéo. Pour te montrer quoi la pluie qui tombe ? Laisse tomber. Et j'allais pouvoir rentrer chez moi fissa …après 19 jours de road trip et 8.000 kilomètres de petites routes.
C’est ainsi que j’ai quitté le Mont Saint Michel en Normandie (allez-y, battez vous) pour pénétrer en ... Bretagne. J'étais sur de mon coup, zen, serein. Ça allait bien se passer, il allait dracher comme à Pnom Pen en pleine mousson. Du coup, j’avoue que j’ai pas bien compris cette tempête de ciel bleu absolu lorsque je suis arrivé. Ces 20 degrés, un soleil radieux. J’ai quand même jeté un œil à mon GPS pour être sûr que je ne m’étais pas gouré de direction.
Avec Morgan et Guillaume qui étaient venus à ma rencontre, on a pris que jolies petites routes. Ça aussi, ça m’a surpris. On a traversé la jolie Cancale, filé vers la pointe du Groin pour attaquer l’Ile du Guesclin. Une carte postale. Merde, ces eaux turquoises, ces roches majestueuses, ce fort, on aurait juré le lieu de tournage du prochain Koh Lanta (j’espère que non). J’ai quand même donné un coup de pied dans la roche pour être sûr que tout ça n’était en carton pâte. Mais non.
Ami breton, vous savez que c’est beau, et même très très beau chez vous ? On a poursuivi sur une route divine, faites de courbes et douceur surplombant la cote. Avec Guillaume, on s’est perdus dans les plus petites routes pour rester au plus près de la cote. On a même traversé de petits ruisseaux qui ont pimenté cette aventure. Au cap d’Erquy, là, j’ai pris un gifle supplémentaire devant tant de beauté absolue.
Ho, les Bretons, faut pas être timides comme ça. Faut le dire que c’est beau chez vous. Que c’est pas du carton pâte … contrairement à ce que je croyais, Qu’il ne pleut pas tout le temps non plus. Bon, en revanche, vous m’avez donné sérieusement du fil à retordre. Dans cette histoire de contour de France, la Bretagne est quand même la région française qui bénéficie de la plus grande longueur de côtes. 2 730 kilomètres de littoral où se côtoient des dunes battues par le vent, des falaises à pic qui se jettent dans l'océan, des estuaires servant de refuges aux poissons, mollusques ou oiseaux, des marais salants, des cordons de galets.
Et encore, si on compte le contour des îles, c’est bien 1.000 bornes de plus. Mais là, j’étais à moto … quoi qu’il faille se méfier de ce côté-là, en ce qui me concerne. Ça m’a pris un temps hallucinant de parcourir tout ça. J’avoue avoir parfois coupé. Ne pas avoir pris, par exemple, le temps de visiter Saint Malo, Brest (promis une prochaine fois).
Mais je t’assure que j’ai fait de mon mieux. Je me suis appliqué à bien longer le contour des pointes Finistère. Vous ne me croyez pas ? Camaret, Crozon, Audierne, Penmarc’h, j’y étais. Logona Daoulas aussi. Au somptueux Moulin Mer : un moulin à marée qui n’attend que ton soutien (ou plus simplement ton admiration) pour être ré habilité en résidence d’artistes ouverte aux voyageurs et à la culture. Sur sa cote sud, la Bretagne est davantage en pente douce. Sans doute parce qu’elle fleure plus l’été. Elle est moins torturée, déchirée et sans doute aussi plus fréquentée.
Larmor Plage, le bout de la presqu’ile de Quiberon, si, j’y suis allé. Aussi. Puis de nuit, parce qu’il fallait bien que cette histoire se termine, j’ai filé sur Guérande, Quiberon, La Rochelle. Et là, il s’est passé un truc de fou. J’avoue qu’après un tel road trip, j’étais littéralement défoncé, fracassé. Du coup, j’ai jamais mais alors jamais, pu remettre la main sur l’endroit exact où cette histoire avait commencé. Ce carrefour insignifiant avec un panneau les Boucholeurs et ce panneau « stop » alors que tout ne faisait que commencer. C’est con. Cet endroit si anodin était pour moi devenu mythique, sacré.
Vu que j’étais fracassé, j’en ai pas fait non plus une affaire de principe. J’ai jeté un œil au compteur de la Honda NT 1100. 9.417 kilomètres auxquels vous retirez les 1.110 qu’elle avait déjà au moment où j’en ai pris possession, ça fait très exactement 8.307 kilomètres en 19 jours. Juste avant de partir, j’avais dit :
- 8.139 kilomètres
- 193.302 points GPS
- Altitude mini: -7 mètres
- Altitude maxi: 2.706 mètres
- Ascension positive cumulée durant le trip: 144.314 mètres
Vous voyez, je n’en suis pas loin. Y’a pas d’exploit derrière tout ça. Et moi dans tout ça ? Je savais que ce serait dur. Que 19 jours, ça serait un peu juste. Que mon tracé n’était pas parfait. Que de nombreux cols ne seraient pas encore dégagés. Mais, j’ai kiffé me laisser guider par cette trace pourtant faite, comme ça, sur un écran tout-à-fait impersonnel d’ordinateur. J’ai découvert d’improbables endroits (Bray Dunes à la frontière belge, je ne savais même pas que ça existait), de petits hameaux, des routes perdues. C’est quand qu’on repart ? Bah la semaine prochaine (et je suis super sérieux).